Cela pourrait sembler inattendu. Murielle s’y est pourtant faite. Cela fait 30 ans qu’elle habite ce logement atypique. De larges murs de pierres, des volumes inhabituels, un porche voûté en plein centre, deux piliers à chapiteau dorique, un fronton triangulaire, et des touristes qui, régulièrement, s’étonnent de l’en voir sortir. Murielle habite un Monument historique. Un monument historique qui est aussi un logement social.
De part et d’autre du cour de Vincennes, à cheval entre les 11e et le 12e arrondissements, l’ancienne barrière d’octroi, construite en 1787, et qui permettait la perception d’un impôt sur les marchandises entrant dans la ville, a disparu. Elle était l’une des composantes du mur des Fermiers généraux qui encerclait la capitale. Sur l’ancien axe royal conduisant depuis le château de Vincennes à Paris, la Révolution française puis l’extension de Paris au 19e siècle, ont causé sa destruction. Demeurent les deux guérites qui encadraient la grille et servent encore aujourd’hui de piédestal à deux colonnes de 28 mètres de haut, surmontées depuis 1841 des statues de Philippe Auguste et Saint-Louis, et deux pavillons.
Le pavillon nord (11e) et le pavillon sud (12e). Identiques, de plan carré, ils offrent quatre façades identiques. Construits par l’architecte de l’Ancien Régime Claude Nicolas Ledoux, ils abritaient les bureaux et les logements des commis de l’octroi. Chacun abrite aujourd’hui 16 logements sociaux parmi lesquels celui de Muriel. « Cela ne donne pas l’impression que c’est du logement social », rit-elle. « J’aurais le plus grand mal à quitter ces lieux », continue-t-elle.
Respectivement situés au 9 avenue du Trône (11e) et 12, avenue du Trône (12e), à proximité de la place de la Nation, ils sont classés au titre des monuments historiques depuis 1907. En 1993, ces deux pavillons sont réhabilités et transformés en logements sociaux et leur gestion confiée à Paris Habitat. En 2016, une opération de remise en valeur est réalisée avec pour objet des travaux de ravalement de façade, de réfection de la toiture et d’amélioration des parties communes.
Le logement social et le patrimoine classé ou inscrit aux Monuments historiques, ont, à rebours des attendus, un lien profond et intime. Parfois intégrant a posteriori de leur construction le parc social, comme c’est le cas des deux pavillons d’octroi, le logement social permet alors leur valorisation et leur conservation. Le logement social contribue également à la création de lignes architecturales. C’est le cas du patrimoine de l’après-guerre, des années 60, 70, mais aussi actuel. C’est le cas également des Habitations bon marché, les premiers HLM construits à partir des années 1920 qui, pour une majorité, font partie du patrimoine de Paris Habitat. Plus de 17 000 logements HBM font et feront l’objet d’ailleurs de projets de réhabilitation dans le cadre du Plan stratégique du patrimoine (2019-2028). Il s’agit en effet d’adapter les logements aux usages actuels et de demain, des habitants et aux défis énergétiques et climatiques.
Paris Habitat, de par la taille de son patrimoine, plus de 127 000 logements, et son ancienneté, plus de 70 ans de moyenne d’âge rapportés au groupe, contribue donc à faire perdurer cet héritage unique. A l’ancrer et à le maintenir dans le patrimoine public.