Une scène, 4 chaises. Et cinq jeunes en impro. Douce, quasi silencieuse pour commencer avant que le ton ne s’emballe, sous les rires des spectateurs. Ces jeunes acteurs partagent la scène du Centre Paris Anim Louis Lumière (20e). Ils décrivent là une scène de vie. Un sans domicile fixe fait la manche dans le métro, ils exposent les réactions des passagers. Cette scène d’improvisation est le rendez-vous hebdomadaire fixé par l’association Plus loin, implanté dans le quartier Saint-Blaise (20e) et de son Laboratoire d’expression et de création, le Labec, créé en 2016.
« A l’origine il y a 5 jeunes qui viennent me voir et veulent faire des films et raconter les histoires qu’ils vivent dans leur quartier » explique Jérôme Sitruk, l’un des responsables de ce projet. Face aux « freins existant ou auto-construits », J.Sitruk leur propose alors un concept qui deviendra le Labec : l’accès à une vraie scène, ouverte à tous chaque mercredi de 18h30 à 22h, une flexibilité, ils viennent quand ils veulent et la gratuité. « Cela devait être aussi simple que descendre de chez soi avec son ballon de foot » poursuit J.Sitruk. « A l’époque, je trainais dehors. On a d’abord été curieux d’aller voir ce qu’il s’y passait même si c’était un peu pour nous un ovni au début » explique par exemple « Manu », 21 ans.
Subventionné, notamment par Paris Habitat, ce projet s’inscrit dans la volonté de l’établissement pour soutenir les initiatives culturelles dans les quartiers de la politique de la ville (QPV). « Il s’agit pour nous d’amener la culture mais aussi de soutenir l’insertion professionnelle des jeunes » précise Elena Ragain, chargée de développement local à Paris Habitat.
De cinq jeunes, les voici aujourd’hui 50, chaque semaine. « Des meilleures improvisations, nous en tirons alors des courts métrages encadrés par des équipes bénévoles de professionnels » continue J.Sitruk. Le Labec se développe au fil des envies des jeunes impliqués, de leur motivation et de leur savoir-faire grandissant. Aux ateliers de scènes, viennent ainsi s’ajouter des ateliers d’écriture pour ciseler leur scenario. Puis, face à la volonté des jeunes de travailler aussi à partir de textes, des formations au théâtre. Les partenaires accourent alors aussi progressivement. Un jumelage est ainsi mis en place avec le théâtre national de la Colline. « Il y a deux créations qui sont ainsi portés sur scène cette année. » déclare Yohan, autre encadrant du Labec.
Des films, traitant de mères faisant face à la disparition d’un enfant ou de la maladie mentale, émergent et sont sélectionnés pour des projections ou des festivals en France ou à l’étranger. Cette montée en gamme permet aussi aux encadrants de fixer de nouveaux cadres. « On souhaite conserver cette flexibilité mais on est aussi des éducateurs à la base et ces projets nous permettent de fixer un cadre et des contraintes, nécessaires à la concrétisation de tous ces projets » indique encore J.Sitruk.
Des vocations naissent. Celle de Jacky, 31 ans par exemple, qui coure aujourd’hui les castings en tant qu’acteur. Et celle de beaucoup d’autres jeunes qui créent aujourd’hui leur propre compagnie et poursuivent leurs propres projets. Les professionnels du secteur ne s’y trompent pas. Ce soir-là, parmi les spectateurs de l’atelier de scène, plusieurs casteurs ont les yeux rivés sur scène.