La qualité de service au cœur de notre mission
Depuis le congrès de Lille de 2003, dont la thématique était « Un logement pour chacun, la qualité pour tous », les organismes Hlm ont tous beaucoup progressé. Les engagements pris alors par le mouvement Hlm ont créé une dynamique collective qui s’est articulée autour de deux étapes. La première, à travers la mise en place des enquêtes de satisfaction, nous a permis de mieux prendre en compte la parole des locataires et de faire jouer une logique d’émulation entre les bailleurs. La seconde a favorisé la structuration de démarches d’amélioration en continu, grâce à la recherche de labellisations ou de certifications, telles que le label Quali Hlm, très adapté à nos métiers, ou des approches plus normatives, comme la certification ISO 9001 dans laquelle s’est engagé Paris Habitat.
Je pense que nous sommes aujourd’hui arrivés à une nouvelle étape, celle d’une introspection, nourrie de ces 20 années d’expérience, qui doit nous amener à interroger nos obligations de service au regard de ce qu’est la vocation des Hlm. A les interroger sous trois angles : celui de la nature du service que nous devons, celui de son coût, enfin celui de la relation qu’il construit avec les locataires.
Qualifier le service à partir du socle de nos métiers
S’agissant de la nature du service, notre mission d’office Hlm est claire, construire et gérer des logements destinés à des ménages sous plafonds de ressources. Nous devons ainsi répondre à l’attente première de tout habitant vis-à-vis de son logement : son confort (la bonne taille, la bonne température, le bon emplacement, la bonne accessibilité) et sa sûreté (la sécurité bâtimentaire, la sécurité incendie, la fiabilité des équipements).
A partir de là, on tire le fil d’à peu près tous nos métiers, de la propreté des parties communes à l’entretien des ascenseurs en passant par la réhabilitation, l’accompagnement du vieillissement, l’aide au recours aux droits et même toute une série de bénéfices collatéraux, via notre soutien à l‘activité économique ou l’action coordonnée avec d’autres services par exemple.
Le coût du service : modération et usage légitime des loyers
S’agissant du coût du service, c’est écrit en toutes lettres dans notre nom : HLM. Notre coût modéré est en effet le premier service que nous apportons aux locataires, comme à la société tout entière. Cela signifie qu’il nous faut avoir en tête deux choses : la première, c’est celle du niveau de coût acceptable. Le service, ce n’est pas nécessairement toujours plus et plus cher, cela peut éventuellement être moins et moins cher. Lorsque le coût de la vie augmente, que cette augmentation est liée à des facteurs sur lesquels nous avons peu de moyens d’agir, comme le prix de l’énergie par exemple, cela peut poser la question de la modération du coût sur le reste.
La seconde, c’est celle de l’usage légitime des loyers des locataires. L’objectif est de ne pas faire payer deux fois aux uns ce que d’autres paieraient une seule fois au travers de l’impôt. Au risque d’une rupture d’égalité entre les citoyens sur la base du statut de leur logement, comme on l’a vu avec l’instauration de la Réduction de loyer de solidarité (RLS), baisse de l’Aide personnalisée au logement (APL) pour les seuls locataires Hlm.
Le contrat social au cœur de la relation avec les locataires
La 3ème question à se poser est celle de la place que nous occupons dans la vie des locataires, autrement dit la façon dont le service que nous rendons favorise l’émancipation et préserve la capacité de chacun à maîtriser son destin. Question qui pose celle, sous-jacente, du contrat social sur lequel repose le contrat de bail. Le contrat social qui se garde bien d’instaurer un rapport de tutelle entre bailleur et locataires, comme avec des mineurs qui auraient besoin d’être protégés au-delà de ce qu’ils sont capables de décider pour eux-mêmes. Le contrat social qui garantit aux locataires Hlm de ne pas se trouver soumis à des obligations supérieures comme une sorte de contrepartie spécifique au fait d’être logé en Hlm. Cela n’a rien d’une pure hypothèse comme en témoigne le débat sur l’expulsion de ménages dont les enfants auraient commis des actes répréhensibles mais sans rapport avec le contrat de bail.
En somme, dès lors que nous posons un cadre, nous posons des limites. En cherchant à définir le bon niveau de service, nous sommes tenus par les limites imposées par la survie de notre modèle économique ou par la vision que nous avons de notre rôle et de notre légitimité à agir.
Tranquillité résidentielle : quels enjeux pour les bailleurs, quelles attentes des locataires ?
Parler de la tranquillité résidentielle lorsque nous parlons de la qualité du service rendu par les bailleurs me paraît relever d’une forme de confusion, que nous avons nous, organismes Hlm, pour partie favorisée.
Nous avons par exemple, en concevant nos enquêtes de satisfaction, estimé que nous avions besoin de replacer la satisfaction des locataires de leur logement dans le contexte plus global de leur satisfaction d’habitant vis-à-vis de leur quartier. C’était légitime, et sans doute indispensable à la bonne compréhension de ce qu’exprimaient les locataires car être satisfait ou insatisfait par son logement, ou son bailleur, n’a pas le même sens selon que l’on se plait ou pas dans son quartier.
Mais en posant ces deux questions nous-mêmes, nous avons en quelque sorte mis les deux sujets sur le même plan et laissé entendre que nous étions comptables et de l’un et de l’autre.
C’est d’ailleurs un peu le même glissement qui s’est opéré lorsque nous avons considéré que parce que nous devions assurer aux locataires la jouissance paisible de leur logement et le gardiennage de leur immeuble, nous devenions responsables de la tranquillité résidentielle. Allant même jusqu’à nous imposer ou nous laisser imposer des obligations de résultats pour justifier de moyens dont nous n’avions pas l’obligation.
Il me paraît primordial aujourd’hui de procéder à un exercice de clarification des rôles et des responsabilités. La gestion locative, c’est le rôle des Hlm, la tranquillité du quartier, c’est celui des pouvoirs publics.
En tant que bailleurs intervenant dans des quartiers confrontés à des problèmes de tranquillité, notre service est bien sûr impacté et c’est la raison pour laquelle nous appelons de nos vœux le partenariat. Mais il ne s’agit pas, ce faisant, d’être absorbés dans un périmètre de missions plus vaste, sinon à accepter de ne pas consacrer l’intégralité de nos moyens à remplir notre mission ou encore de porter des difficultés qui ne sont pas les nôtres.
Lorsque nous parlons pour notre part de coproduction, c’est dans la perspective d’amplifier l’efficacité de nos actions. Mais si cette coproduction finit par se traduire par un transfert, par les autres, vers nous, de missions qu’eux n’arrivent pas à remplir, la seule chose que nous coproduisons, c’est l’échec.
Le logement social, garant de l’émancipation
Les débats qui traversent le monde Hlm sur ce sujet de la tranquillité renvoient à la conception que nous avons de notre double rôle d’opérateurs de politiques publiques et de serviteurs des locataires.
Cette conception s’inscrit dans une histoire et une vision philosophique plus large qui porte sur le sens-même de l’action publique.
Partant d’une vision commune, humaniste, de la nécessité pour la société de satisfaire les besoins vitaux de ses membres, ce sont ensuite deux approches, deux déclinaisons différentes, qui se sont au fil du temps développées. La première, considérant que l’action publique doit d’abord servir à la stabilité et à la cohésion de la société, fait du service public un outil de régulation, qui peut parfois mener jusqu’au contrôle social. La seconde considère que l’action publique doit d’abord créer les conditions de l’émancipation des individus en leur permettant d’être libérés de n’avoir à penser qu’à leur survie. En d’autres mots, nous avons une vision qui se situe du côté de l’ordre, et l’autre du côté de la liberté et de la capacitation.
La société, selon les moments, penche plutôt d’un côté que de l’autre. Je ne crois pas que le rôle des Hlm soit d’aller dans le sens de la pente. Je crois au contraire que l’essentiel est de rester fidèles à nos valeurs, fidèles à notre vocation, ceci quelles que soient les circonstances et la façon dont les attentes exprimées à notre égard évoluent dans le temps.
Notre métier à nous, c’est de loger, pas de garantir l’ordre. C’est de loger la France telle qu’elle est, pas telle que nous voudrions qu’elle soit. C’est d’être exigeants sur, au fond, le seul continuum qui vaille, celui du service aux locataires.
Les locataires doivent pouvoir compter sur nous, pour leur rendre le service que nous leur devons, comme pour nous empêcher de leur rendre celui que nous ne leur devons pas.